La Bible
117 x 80 cm - 2003


Commentaire de l'artiste 

Le ciel rouge est une surface carrée infinie. Seul un angle pointé vers la terre est donné à voir et il se confond avec le livre sacré, son messager. Le rouge, lourd et ancien, rappelle le poids des siècles teintés par le sang du Christ. Le vert acidulé figure la terre au temps présent. Entre elles deux, un espace blanc cassé demeure infranchissable parce que l’espace de la photographie forme un couloir vertical trop étroit. Dans un mouvement de descente, les bords de l’immense carré rouge butent sur les côtés gauche et droit du cadre. Certes, la pointe inférieure du livre indique une direction. Mais il ne descendra jamais plus bas. Le ciel reste au ciel. C’est l’homme qui doit franchir l’espace qui sépare la terre du ciel. Et non l’inverse. Les pages ouvertes sur le texte de l’Evangile apportent une clarté au centre de la composition. Les mots sont tournés vers le ciel et indiquent la voie. Mais le livre exerce une force duale dans la composition. Objet doré et sacré, alourdi par le sacré, il génère aussi une pesanteur, un mouvement vers l’ici-bas. C’est l’évocation d’une rencontre. Le texte de l’Evangile selon Saint Marc raconte que Jésus rencontra un homme possédé. Ce dernier était si furieux qu’il parvint à briser ses chaînes pour venir à sa rencontre. Le nom de l’homme était « Légion » parce que les démons qui l’habitaient étaient nombreux. Il implora le fils de Dieu de ne pas le chasser de ce lieu. Alors Jésus fit entrer ces esprits impurs dans les corps de pourceaux qui paissaient le long de la montagne. Les porcs qui étaient bien deux mille ne purent s’empêcher de courir vers la mer où ils se noyèrent tous. Alors l’homme fut enfin libéré de sa folie et Jésus le chargea de témoigner des grandes grâces qu’il avait reçues de lui. A l’instar du Christ et de l’homme, le rouge et le vert sont deux couleurs complémentaires qui s’attirent. Contrariée, cette attirance se fait ici synonyme du mystère de la foi. C’est à dire de ce qu’on aura jamais fini de comprendre puisque le ciel ne peut advenir sur la terre. La surface horizontale verte apparaît en effet terriblement fragile en contrebas du poids immense de la surface rouge qui pointe sur elle. Métaphore de l’esprit impur qui demeure prisonnier dans une étroite bande de vie acide et qui voit dans le ciel une menace. Pour s’élever, il doit d’abord être purifié. Délivré du poids des démons dont la chute était annoncée par le mouvement initial du Livre.

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