Céline, Voyage au bout de la nuit
120 x 120 cm - 2017


Commentaire de l'artiste 

L’écriture de Céline est un gigantesque monument. Mais c’est de l’avilissement volontaire des sentiments que provient la force colossale de ses mots. Le « Voyage au bout de la nuit » est comme une montagne molle, à la fois un sommet et un affaissement. Pour produire cet effet double, une page clé du roman a d’abord été détachée pour être photographiée. Un tirage géant de cette image a ensuite été imprimé sur une toile souple de coton. Dans la composition, la page apparaît dans sa taille réelle. A côté, une petite sphère translucide incarne la subjectivité de l’auteur. Sa couleur bleutée traduit la froideur nécessaire au cynisme. Elle n’est éclairée que par la lumière que produit la page géante. La sphère devrait rouler jusqu’au point de néant qui se trouve en bas du plan incliné. Mais elle est immobile. L’importance que Céline s’accorde à lui-même tient lieu de gravité et la sphère, corps mou invertébré, s’écrase pour s’immobiliser à mi-chemin du génie et du rien. Si l’œuvre de Céline est immense, sa personne est petite. Peut-on oublier son antisémitisme et son passé de collaborateur des nazis ? Le socle rouge strié de lignes verticales communique à l’œuvre l’énergie que produisent les souffrances du temps, à savoir la guerre, la maladie, la misère. Mélange de sang et d’ombre. Nourriture du Voyage.

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