Sigmund Freud fait une démonstration claire de l’existence de l’inconscient dans « La psychopathologie de la vie quotidienne ». Oublis de noms et de mots, lapsus et erreurs de lecture, méprises, actes manqués et maladresses. Freud entreprend de décrypter le sens de ces manifestations de pulsions refoulées qui révèlent nos intentions inconscientes. Ses analyses lui font apercevoir les méandres compliqués des chemins de l’inconscient. Très sûr de sa supériorité intellectuelle, il s’affirme en maître du labyrinthe de l’inconscient. C’est pourquoi il apparaît en Minotaure dans la photographie. Le Minotaure est le rejeton du taureau divin offert par Poséidon au Roi Dédale et de la reine Pasiphaé. Fruit monstrueux d’une sexualité perverse, le Minotaure rassemble par l’esprit les pulsions fondatrices de son père et les motivations humaines de la psyché incarnées par sa mère. La culture classique de Sigmund Freud le portait à puiser dans la mythologie antique pour former ses concepts. Le voici lui-même transfiguré en fonction de ce procédé. Dans ce livre, Freud admet volontiers qu’il exploite ses propres expériences pour en extrapoler des théories. L’identification de sa personne avec un Minotaure est d’autant mieux justifiée. Subir l’analyse freudienne est une épreuve de vérité salutaire. Mais elle est aussi éprouvante, effrayante, peut-être dangereuse. Il faut le courage de Thésée pour oser pénétrer dans le labyrinthe de l’inconscient. Le passage de l’implicite à l’explicite, de l’inconscient à l’analyse, rend visible le chemin qui mène à la sortie du labyrinthe. Tel un fil d’Ariane. Thésée devint ensuite Roi d’Athènes, la cité de la déesse de la sagesse. Dans la photographie, le livre est mis à nu. Sa couverture protectrice est arrachée. Il s’agit de voir ce qui est habituellement dissimulé. C’est bien ce dont il s’agit dans « La psychopathologie de la vie quotidienne ». L’image apparaît également inversée. La couleur naturelle des pages du livre et les teintes marrons des cornes bovines adoptent les nuances du bleu lorsque la photographie est à l’état de négatif. Cette inversion de l’image visible est une évocation du mécanisme de refoulement du conscient vers l’inconscient. La face du Minotaure paraît se pencher sur le spectateur. Les yeux sont formés par deux labyrinthes dont le dessin est caractéristique du style crétois. A l’image de ce que l’on peut observer sur différentes photographies de Sigmund Freud, le regard est froid, scrutateur, implacable. A noter que la réalisation des yeux du Minotaure est le produit d’une symbiose entre différents outils numériques. D’abord esquissés à la main, le dessin a été scanné avant d’être retravaillé par logiciel et imprimé en 3D. Le dessin devenu objet a finalement été photographié pour être intégré à la composition. >>> Back