Robespierre, Oeuvres
80 x 107 cm - 2019


Commentaire de l'artiste 

Il est l’âme haïe de la Révolution française. Son nom est synonyme de Terreur. Robespierre est également une énigme. Le petit avocat d’Arras invente l’idée de suffrage universel qui annonce la démocratie moderne. Seul, le premier, il pense au peuple et pour le peuple a contrario d’une révolution qui ne vise qu’à remplacer l’aristocratie par la bourgeoisie. A la Convention, Maximilien défend l’abolition de l’esclavage et affirme le principe de liberté de la presse. Il condamne dans une première intention la peine de mort. C’est qu’il croit en l’existence d’un Être Suprême, principe d’amour. Héritier spirituel de Jean-Jacques Rousseau, il a foi en la Vertu. Celle-ci, grâce à la Révolution, doit faire gagner des siècles de progrès à la civilisation. Mais c’est une Vertu qui n’existe que par rapport à l’intérêt supérieur du peuple. Bientôt, la révolution française doit faire face aux dangers venus de l’extérieur et de l’intérieur. Dès lors, pour Robespierre, tous les moyens utiles au progrès humain pourront être justifiés. A la Convention, il déclare « Si le ressort du gouvernement populaire dans la paix est la vertu, le ressort du gouvernement populaire en révolution est à la fois la vertu et la terreur : la vertu, sans laquelle la terreur est funeste ; la terreur, sans laquelle la vertu est impuissante. La terreur n'est autre chose que la justice prompte, sévère, inflexible. Elle est donc une émanation de la vertu elle est moins un principe particulier, qu'une conséquence du principe général de la démocratie, appliqué aux plus pressants besoins de la patrie. » Le livre qui rassemble les propos de Robespierre, présence à la fois menaçante et imposante, porteuse d’ombre et de lumière, indique une direction verticale. Entre le mouvement d’espoir où la liberté naît, dans un monde bleu des idées, et le choc intense avec la réalité rouge du sang des victimes de la Révolution, il y a les hommes. Les hommes et leurs contradictions, leurs errances, leurs oppositions. D’abord le bleu sombre, en progressant dans l’axe vertical du livre, se charge de lumière et d’idéal. Puis après le choc terrible rouge foncé de la Révolution, l’espérance d’une lumière nouvelle naît au sommet de la composition. Idéal et violence forment un étau pour les humains dans un espace écrasé par cette dialectique infernale. Un espace noir vide de sens par lui-même où il faut subir le temps du chaos. Après la mort de Robespierre, pendant plus d’un siècle, les historiens ont donné de lui une image sanguinaire. Tandis que les régimes totalitaires communistes justifiaient leurs atrocités en invoquant son exemple. Sans l’absoudre de crimes réels, songeons que Robespierre n’a rien voulu pour lui-même. A l’opposé de Danton et d’autres, il était l’Incorruptible. Il affirmait ne pas viser à établir une dictature et il semble possible de le croire quand il affirme que la liberté, la justice, la prospérité, la paix seraient établies dès la Révolution finie. Maximilien, malade, se voyait bientôt mort, pas dictateur. Porté par une « volonté de pureté » que l’on pourrait distinguer de la « volonté de puissance » chez Lénine ou Mao - mais surtout conscient du caractère éphémère de son rôle - il s’est préparé tôt à mourir pour un idéal révolutionnaire qu’il théorisa, justifia, expliqua au fur et à mesure des événements. Il est celui qui mit une forme d’ordre conceptuel dans le chaos créé du choc des idées nouvelles et de la réalité ancienne. Avec lui, l’esprit révolutionnaire devint une Pensée. Et ses discours rassemblés dans ce livre forment bien une œuvre.

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