Victor Hugo, Os Miseraveis
& Oswald de Andrade

127 x 100 cm - 2018


Commentaire de l'artiste 

La composition photographique montre une page de la première édition originale en portugais du célèbre roman de Victor Hugo, Les Misérables. Le propos est d'établir un lien avec la pensée du poète brésilien Oswald de Andrade auteur du Manifeste Antropofago. Il s’agit du travail d'un artiste européen issus d’une réflexion sur le Movimento antropofágico brésilien, lequel a imposé l'idée durable au Brésil qu'il est nécessaire de dévorer la culture européenne pour créer une culture authentiquement brésilienne. Cette édition d'Os Miseraveis, titre portugais du livre, est un phénomène très spécial dans l'histoire de la littérature. La version portugaise a été traduite et publiée à Rio de Janeiro avant l'édition française en France et en Belgique. Il est significatif que cela ait été fait sans aucune autorisation de Victor Hugo. Ce fut une sorte de douce violence qui visait à absorber un élément fondamental de la culture européenne. En 1862, 60 ans avant la publication du Manifeste Antropofago d'Oswald de Andrade, pointait déjà l'expression d'une véritable intentionnalité anthropophagique dans l'âme des intellectuels de Rio de Janeiro. La pulsion sauvage dont parle Oswald de Andrade était déjà là en prémisse de son Manifeste. La tache rouge dans la photographie évoque la marque d'une morsure saignante dans l'œuvre du poète français. En proportion du texte, elle a la dimension d'une bouche humaine. Le tache rouge apparaît dans la partie de la page où le texte disparaît, placé au sud-ouest de la partie où le texte est imprimé normalement, ce qui est une référence à la position géographique du Brésil par rapport à l’Europe. La tache rouge imprime sa pesanteur le long d'un axe vertical dans cette zone très claire de la composition. Il est bas, comme au début d'un élan de progrès. La culture brésilienne est en expansion tandis que le texte français s’estompe. Il s'agit de montrer l'énorme puissance contenue dans l'acte de l'anthropophage. Le texte en haut à droite, où se trouve l'Europe, est plus sombre pour imprimer un mouvement de distanciation latérale en légère rotation. La culture européenne continue sur sa propre route. Il existe un équilibre entre le poids de la tache rouge et celui du texte imprimé plus sombre. La connexion entre les deux zones est soulignée par les traits rectilignes qui entourent la page. Ils suggèrent également une connivence. Pour l'artiste belge que je suis, cette couleur rouge sang exprime que mon parcours au Brésil nourrit ma démarche. Il est si stimulant d'être aussi un anthropophage. Pour paraphraser les mots d'Oswald de Andrade: Tupi or not tupi à Bruxelles.

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