Pour Wittgenstein, l’objet n’existe pas. Dans le monde réel, il n’y aurait que des faits. Et si ceux-ci sont composés d’objets, il faut voir qu’ils ne signifient rien si aucune relation ne les relie avec un état de chose. « Le monde est tout ce qu’il y a lieu », dit-il. Si la voiture roule ou si la voiture est rouge, elle existe. Si la voiture est la voiture sans qu’aucune description n’est possible, elle n’existe pas. C’est pourquoi dans la photographie le livre flotte sur un fond blanc lorsqu’il n’est connecté à rien. Tandis que les couleurs sont autant de propriétés qui, établissant une connexion entre l’objet et sa façon d’être au monde, permettent à l’objet d’exister. Or les couleurs sont langages. Ici, comme pour Kandinsky, le jaune en irradiant exprime l’affirmation d’un fait. Comme lorsque la voiture va à Paris et s’implique dans un avenir du réel. Le livre est connecté à la trame du monde par un trait noir situé à droite. Le bleu, par contre, éloigne et contredit par sa froideur. La voiture s’arrête et déjà la mobilité qui la caractérise en général appartient au passé, ce qui justifie une connexion établie vers la gauche du livre. Le rouge est affirmation. La voiture roule, agit en tant qu’évidence. Cette évocation du réel en action se manifeste par une connexion du trait noir vers le haut. Enfin, le vert par sa neutralité, exprime la négation. La voiture n’est pas un bateau. Mais cette connexion passive suffit pour que l’objet livre s’inscrive dans le monde. Au départ des couleurs les plus fondamentales, les combinaisons logiques prétendent remplir tout le réel. Ainsi le jaune et le rouge produisent l’orange et celui-ci est doublement connecté par un trait vers le haut de sa case et un autre vers la droite. Selon le même principe, le fond devient violet quand les connexions sont à la fois orientées vers le haut, rouge, et la gauche, bleue. Il sera possible de vérifier que les autres combinaisons de traits noirs produiront les mélanges de couleurs correspondants. Le cas du vert interpelle car un même état de fait peut résulter de trois combinaisons différentes. Le noir qui cumule toutes les combinaisons possibles sera fait pour nous plonger dans la perplexité. Comme la trame quadrillée noire du monde parcourue de traits connecteurs. Et comme pour nous rappeler que sans l’esprit critique qui permet de distinguer l’ensemble des connexions qui relient les objets à ce qui les qualifient, lesquelles sont constitutive des faits, on ne peut pas percevoir le réel dans sa vérité. Tout est logique, uniquement logique dans la vision atomiste de Wittgenstein. La présentation matricielle de son livre s’en fait l’écho. >>> Back